• 9. CE MATIN-LÀ...

     

    Un matin… ce matin-là, peut-être…

    … tu jailliras du lit pareil à un pantin poussé par le ressort de sa boîte farceuse et, malmenant ton pull – « mais bon sang ! qu’est-c’qui coince ? » - tu réaliseras que, durant ton sommeil, deux ailes transparentes auront fleuri ton âme.

    Lorsque tu ouvriras sa fenêtre complice, tu frapperas des mains en découvrant niché tout naturellement dans ton calendrier, le cœur en pain d’épices à offrir au copain, au badaud, au voisin, bref ! à la terre entière.

    Transporté par l’élan d’un jour si fabuleux, tu ne t’attarderas pas devant le miroir pour peigner tes cheveux « broussaillés » par la nuit mais, entre tes deux joues, tu demi-luneras un sourire aussi neuf qu’un frais ruban de fête avant de te glisser à coeurlifourchon –  « zoum ! » - sur la rampe de bois d’escaliers superflus te propulsant, léger, par-dessus le portail de ton jardin sauvage.

    Tu flâneras sans but sur les quais ouatinés d’un silence en écharpe et, snobant le brouillard, siffloteras, gamin, ces Noëls qu’autrefois vous apprenait ton père. Le cœur à fleur de lèvres, tu auras cette fougue, ce besoin de crier :

    « Éclatez de tendresse, pèlerins de ma ville ! Ouvrez grands vos volets ! On sent presque Noël ! »

    Lorsque tu le verras, dos appuyé au mur qui longe la rivière, ton tout premier désir sera de l’appeler, de lui lancer :

    « Bonjour ! Tu connais la nouvelle ? Dans bientôt c’est Noël ! »

    Mais, tandis qu’enjoué tu te rapprocheras, tu pourras déchiffrer, au gris de ses yeux flous qui te regarderont, les deux tragiques mots résonnant en son âme à l’écho de Noël. Et tu liras… « cruel », se mêlant à « rappel » !

    Alors devant ses pieds, comme on déroulerait un tapis de grand prix, tu poseras à plat tes ailes et ton cœur, où tu l’inviteras doucement à s’asseoir. S’il accepte dis-toi qu’en ce triste matin brumeux de son Avent, tu entendras, par lui, la voix de tous ceux-là pour qui « Joyeux Noël » rime avec « écartèle ».

     

    Il se plaindra : « J'ai tant marché !
    En immuable trajectoire
    Gravée à burin de mémoire
    Sur le béton de mon passé... » 

    Il gémira : « J'ai tant pleuré ! »
    Que tu lui tendras, pour y boire,
    Tes deux mains jointes en ciboire
    D'où jaillira sa dignité.

     Alors tu le verras te dire
    Sans un mot son premier sourire
    Qu'intact il avait conservé 

    Au plus secret de son enfance
    Pour l'offrir à l’Éternité
    Dans un renouveau d'espérance.


    Marie-Claude Pellerin


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